Je franchis la porte de l’appartement, 18 h 20. Dernier arrivé. Mes trois amis tiennent déjà une bière dans la main. Les fesses calées dans le sofa rouge, ils observent les monstres se cogner la tête et rugir à la télé.
Mon estomac crie hors-jeu. « Pat! Commande la bouffe ». Vingt minutes plus tard, les deux pizzas arrivent. Quand je pose mes yeux sur la facture, l’idée de cette chronique surgit.
« 30 $ ». Quoi? Pour deux pizzas? Je demande la reprise vidéo.
Les Super Bowl coûtent cher au Québec. En partie, parce que les buveurs de lait se font arnaquer. Tout comme les pizzérias, qui utilisent des produits à base de lait comme le fromage. Pour survivre, elles doivent refiler la facture à leurs clients.
Les producteurs laitiers – avec nos politiciens complices – fixent le prix du lait à un niveau anormalement élevé, en limitant la production. Un producteur étranger veut vous vendre du lait moins cher? Bonne chance. Le gouvernement frappe les produits laitiers qui entre au pays de taxes qui vont jusqu’à 300 %. C’est l’Union soviétique à l’époque de Rocky IV.
Résultat : le prix du lait a grimpé de 15 % depuis 2004. Presque le double de l’inflation. Nous payons le litre de lait 60 à 65 cents (ou 40 %) plus cher qu’aux États-Unis ou qu’en Australie, selon une étude du Conference Board.
Le jour du Super Bowl, ça paraît. « Il y a cinq ans, je payais un même bloc de mozzarella 18 $ », me dit Claude Trudel, propriétaire de Gerry Pizza, à Québec. « Aujourd’hui, ça me coûte 24 $. »
« Le fromage, c’est-ce qui coûte le plus cher dans une pizza », racontait à un collègue Mesut Akkaya, qui gère la Mémo pizzéria, tout près de l’UQAM. Lui aussi n’a pas le choix. Il doit hausser ses prix.
Lundi dernier, le prix du lait a (encore) monté de 4 cents au Québec. Irez-vous manifester dans la rue? Non. Mais le lobby des producteurs laitiers, lui, a de bonnes raisons de le faire. Les fermes laitières – dont certaines appartiennent aux agriculteurs les plus riches au pays – reçoivent près de la moitié de leurs revenus grâce à ce système.
Si ça continue, on va manger des crudités au Super Bowl. Et boire de la bière, beaucoup de bière. Car à ce rythme, elle sera bientôt moins chère que le lait.